La prescription biennale en assurances : conséquences & enjeux

La prescription biennale en assurances : conséquences et enjeux

Malgré le développement d’une jurisprudence tendant à renforcer l’information de l’assuré sur le délai de prescription spécifique en assurances, plus court que le droit commun et l’obligation imposée par l’article R.112-1 du Code des assurances de rappeler ce délai dans les polices, le contentieux en la matière reste abondant. Ainsi, la Cour de cassation dans son rapport annuel téléchargeable ici  suggère de nouveau l’alignement du délai de prescription biennal du droit des assurances sur le délai quinquennal de droit commun.

Qu'est-ce que la prescription ?

En droit, la prescription désigne l’écoulement d’un délai légal à l’issue duquel une action en justice n’est plus possible ou un droit devient inattaquable. Il existe deux formes principales de prescription : la prescription extinctive et la prescription acquisitive.

Nous ne traiterons ici que de la prescription dite extinctive.

La prescription extinctive est le délai au terme duquel une action en justice ne peut plus être exercée pour faire valoir un droit. En d’autres termes, l’écoulement de ce délai éteint le droit d’agir en justice pour faire reconnaître un droit ou obtenir la réparation d’un préjudice.

But : Assurer la sécurité juridique et la stabilité des relations sociales en évitant que des litiges puissent être soulevés indéfiniment. La prescription encourage ainsi les personnes à exercer leurs droits dans des délais raisonnables.

Les délais de prescription varient en fonction de la nature de l’action en justice et du domaine de droit concerné (droit civil, pénal, administratif, etc.). 

En assurances, la prescription prévue par l’article du Code des assurances déroge du droit commun et est biennale. En d’autres termes, cette prescription fixe, sauf exceptions prévues légalement pour certains contrats ou sinistres, pour les assurés comme pour les assureurs, un délai impératif de deux ans à partir de certains événements pour engager une action en justice.

En règle générale, l’action résultant d’un contrat d’assurance se prescrit par deux ans à compter de l’événement qui donne naissance à cette action. 

  • Pour l’assuré, cela signifie qu’il a deux ans à partir du moment où il a eu connaissance du sinistre pour réclamer une indemnisation à son assureur. 
  • Pour l’assureur, ce délai commence à courir à partir du moment où il a connaissance de la fausse déclaration ou du sinistre, par exemple.

 

La prescription biennale peut être interrompue par certaines actions de la part de l’assuré ou de l’assureur, comme une reconnaissance de dette par l’assureur, une action en justice ou un acte d’exécution forcée. En cas d’interruption, un nouveau délai de deux ans commence alors à courir.

Quels sont les débats en cours ?

La prescription biennale n’est pas exempte de débats et de remises en cause. 

Ces discussions portent principalement sur l’équilibre entre les droits des assurés et les intérêts des assureurs, ainsi que sur l’adaptation de cette prescription à la réalité des sinistres et des relations contractuelles modernes.

Les critiques soulignent que le délai de deux ans peut être trop court pour les assurés qui peuvent ne pas réaliser qu’ils doivent agir rapidement pour préserver leurs droits et accéder ainsi à la justice. 

C’est pourquoi certains juristes et associations de consommateurs proposent de prolonger le délai de prescription à trois ou cinq ans, au lieu de deux, pour permettre aux assurés de mieux défendre leurs droits. 

Une autre proposition consiste à instaurer des délais de prescription différents selon que l’assuré est un particulier ou un professionnel. Cette approche reconnaîtrait les différences de ressources et de capacités entre ces deux types d’assurés.

Les assureurs soutiennent quant à eux que la prescription biennale est essentielle pour la stabilité et la prévisibilité de leur activité. Un délai plus long pourrait accroître l’incertitude et compliquer la gestion des sinistres, avec des répercussions potentielles sur les primes d’assurance. De même, un délai court limite également le risque de fraudes ou de fausses déclarations, car les preuves de sinistres anciens peuvent être plus difficiles à vérifier. 

Qu'en pense la Cour de cassation ?

Si le Conseil constitutionnel a jugé le 17 Décembre 2021, à l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité que l’article L. 114-1 du code des assurances ne contrevenait à aucune norme constitutionnelle, la 2ème chambre civile de la Cour de cassation continue de suggérer dans ses rapports annuels que soit mis fin à ce régime dérogatoire, qui demeure défavorable à l’assuré, “lequel est, bien souvent, un consommateur inexpérimenté en matière de litiges assurantiels qui se trouvé lié par un contrat dont il n’a pas négocié les termes”.

En outre, pour la Haute juridiction, cet alignement entraînerait une simplification du droit que ne permettent pas toujours d’atteindre les évolutions jurisprudentielles nécessaires à la préservation des droits des assurés.

Conclusion

La prescription biennale en assurances fait l’objet de débats et de remises en cause autour de la question de l’équilibre entre les droits des assurés et la nécessité pour les assureurs de gérer les risques de manière efficace et prévisible. Les propositions de réforme visent généralement à ajuster ce délai pour mieux protéger les assurés tout en maintenant une certaine sécurité juridique pour les assureurs. Toutefois, toute modification de la prescription biennale nécessite de bien peser les avantages et les inconvénients pour l’ensemble des parties prenantes. Ne doutons donc pas que ce débat restera encore ouvert un moment…

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